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Journée de l’écoconception numérique avec les Designers éthiques : compte-rendu

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Une conférence d’ouverture remarquable et remarquée

David Maenda Kithoko a ouvert la journée avec une conférence qui a eu le mérite de planter le décor tout de suite, en nous interpellant sur les conditions mortifères d’extraction des minerais qui composent nos appareils numériques : Pour une écologie décoloniale du numérique.

Il est revenu sur l’histoire de la République Démocratique du Congo et de son peuple, meurtri par la colonisation et par les guerres directement liées à l’exploitation de ses ressources minières – ces mêmes minerais qui servent à fabriquer certains composants électroniques que l’on trouve notamment dans les téléphones portables, tablettes et ordinateurs.

On en vient à se poser la question : comment le numérique peut-il être « responsable » dans ces conditions ?

Que faire quand les terminaux sont construits avec des ressources obtenues au détriment d’une population qui, dès le plus jeune âge, se voit massacrée, violée, exploitée, spoliée de ses ressources, contrainte à l’exil ?

David Maenda Kithokov a proposé plusieurs pistes de solution :

  • reconnaître les écocides ;
  • créer un tribunal international pour le Congo ;
  • rendre visibles les récits de la diaspora congolaise ;
  • faire évoluer les lois et les habitudes collectives ;
  • exiger une traçabilité des minerais [1] ;
  • renforcer le droit à réparer pour prolonger la durée de vie des terminaux.

Je vous invite à consulter vous-même cette conférence, car je ne saurais relayer avec assez de justesse les propos de David Maenda Kithokov, ni en transmettre l’intensité en quelques phrases : Pour une écologie décoloniale du numérique sur PeerTube.

Vers un usage plus réfléchi du numérique ?

Une fois que l’on a bien en tête les conditions dans lesquelles sont fabriqués nos terminaux numériques, on comprend alors tout l’intérêt de l’écoconception.

En effet, alléger les services numériques permet, entre autres, de prolonger la durée de vie de ces terminaux, de réduire le sentiment d’obsolescence des appareils.

Cela dit, il faut s’interroger sur la nécessité même de chaque service numérique : a-t-on vraiment besoin de tel nouveau site, de telle nouvelle fonctionnalité ?

Si oui, créons-les de manière réfléchie. Sinon, abstenons-nous de créer plus de choses inutiles.

Écoconception de sites web publics accessibles : cas pratiques

L’écoconception passe par des responsabilités individuelles, mais aussi et surtout par des actions collectives. C’est ce qu’a souligné le retour d’expérience de Nathalie Suze (Grenoble Alpes Métropole) et Simon Vandaele (Translucide, agence spécialisée en écoconception web).

Chez Access42, nous avons accompagné le lancement de deux projets écoconçus et soumis aux obligations d’accessibilité numérique :

Dans les deux cas, les attentes étaient fortes : produire un service numérique offrant les meilleures performances possible en termes d’écoconception, et atteindre la conformité au RGAA.

Comme l’ont souligné Nathalie Suze et Simon Vandaele, pour atteindre ces objectifs, il faut, dès les prémisses, s’interroger sur ce qui est réellement utile.

Déterminer l’utilité de chaque service numérique

Concrètement, qu’est-ce qui a été jugé « utile » lors de la conception de ces deux projets web ?

  • Pour Elgarweb : une architecture pensée pour rester en adéquation avec les besoins en communication des mairies qui sont toujours plus ou moins les mêmes.
    • Par exemple : les communes ont été incitées à revoir l’arborescence de leur menu de navigation pour le rendre moins complexe.
    • Il n’y a pas de fonctionnalités « gadgets » dans le CMS : cela allège le site, évite de potentielles erreurs d’accessibilité et permet de réduire le coût de conception et de développement.
  • Pour le nouveau site de Grenoble Alpes Métropole : des ateliers menés avec les utilisateurs et utilisatrices ont permis d’identifier leurs attentes en matière d’information, et de créer les fonctionnalités adaptées. Cela se traduit par exemple par :
    • une sélection réfléchie des images présentes sur le nouveau site ;
    • l’appel d’une seule fonctionnalité plutôt que tout le service associé. Par exemple, pour les informations liées à la Zone à Faible Émission, c’est la recherche par plaque d’immatriculation qui intéresse les utilisateurs et utilisatrices, c’est pourquoi seule cette fonctionnalité-là a été implémentée ;
    • des pages faciles à retrouver, des contenus facilement consultables et compréhensibles grâce à l’utilisation d’un langage simple et de résumés en début de page ;
    • un design pensé pour trouver rapidement l’information dans la page avec l’utilisation d’accordéons (appelés toggles en anglais), ces « paragraphes pliés par défaut ». Cela a également l’avantage de ne pas charger des fonctionnalités inutilement si le toggle n’a pas été déplié par l’utilisatrice.

L’utilité et la pertinence des services ou fonctionnalités numériques ont été abordées à plusieurs reprises lors de la Journée de l’écoconception numérique.

J’ai apprécié notamment les réflexions menées sur la Perception de l’obsolescence et design de paramètres écologiques de Léa Mosesso et Thomas Thibault, ainsi que les retours d’expérience de projets écoconçus.

Tenir compte de l’écoconception et de l’accessibilité dès le début de chaque nouveau projet

Pour réussir un projet écoconçu et conforme au RGAA, l’écoconception et l’accessibilité numérique doivent être au cœur de la démarche globale : il est essentiel de les intégrer dans les spécifications, à l’instar de la sécurité ou du respect des données personnelles, par exemple.

Aussi bien dans le cas d’Elgarweb que dans le cas de la refonte du site de Grenoble Alpes Métropole, l’accessibilité et l’écoconception ont été prises en compte dès les prémisses de chaque projet, en étant intégrées au cahier des charges.

L’exigence a ensuite été maintenue pendant toute la production, jusqu’à la livraison des sites à l’aide de contrôles réguliers, et de corrections en cours de développement.

Sur le volet accessibilité, Access42 a audité le site Elgarweb puis les sites des 3 communes pilotes Ciboure, Lahonce et Saint-Pée-sur-Nivelle.

Du côté de Grenoble Alpes Métropole, l’accompagnement a débuté par l’audit des wireframes et s’est poursuivi avec des audits d’accessibilité partiels durant les différentes phases de développement, puis avec l’audit final juste avant la sortie du site.

Depuis, chaque ajout de fonctionnalité fait lui aussi l’objet d’un suivi attentif.

C’est cette rigueur qui a permis d’atteindre les objectifs attendus pour l’accessibilité numérique et l’écoconception.

Gérer la dette technique

Éviter d’accumuler une dette technique dès le départ est primordial pour la réussite d’un projet numérique écoconçu et accessible.

Anaïs Altun, développeuse full stack, et Sandrine Ricardo, développeuse et co-fondatrice de l’agence de conseil et de développement informatique PathTech, ont présenté un retour d’expérience sur la gestion de la dette technique lors de la reprise de projets dans leur entreprise : Gérer la dette technique lors de la reprise d’un projet informatique : comment réduire son impact ?.

Le temps passé sur une même tâche peut être multiplié par quatre sur un projet ayant accumulé de la dette technique.

Il est donc stratégique, lors de la reprise d’un projet, d’inclure dans la dette technique aussi bien les dépendances et les erreurs, que l’accessibilité, le respect des données personnelles, la sécurité et la sobriété.

Procéder avec méthode permet d’installer un «cycle vertueux» en 4 étapes :

  1. «Évaluer» : cette première étape consiste en une évaluation de l’ampleur de la dette technique ;
  2. «Agir» : il s’agit de la phase d’intégration des correctifs dans le développement et de documentation ;
  3. «Célébrer» : c’est-à-dire communiquer des indicateurs au client et aux équipes projet sur ce qui a été réalisé ;
  4. «Suivre» : mettre en place un suivi grâce à des routines techniques.

Sandrine Ricardo a indiqué que cette méthode de gestion peut s’appliquer à d’autres problématiques, comme l’accessibilité et l’écoconception, qui sont souvent reléguées à de la gestion laborieuse de dette technique, faute d’avoir été anticipées.

Or, il y a tout à gagner à les inclure dès le début d’un projet, de sensibiliser les clients à leur sujet, et de mettre en place un suivi.

Autrement dit : la meilleure dette, c’est celle qu’on ne crée pas.

J’y vois de nombreux parallèles avec la manière de piloter la mise en accessibilité d’un projet.

Conclusion

L’édition 2024 de la Journée de l’écoconception numérique organisée par les Designers Éthiques a été très fructueuse.

À titre professionnel et personnel, j’ai beaucoup appris des conférences auxquelles j’ai eu la chance d’assister.

Si le sujet de l’écoconception peut a priori sembler décorrélé de l’accessibilité numérique, ce sont en réalité deux problématique transverses stratégiques, non seulement pour nos clients et leurs projets, mais aussi à l’échelle de la société dans son ensemble.

Comme l’ont rappelé les membres du collectif Designers Éthiques, l’écoconception gagne en visibilité. Pour preuve, le public de l’évènement est passé de 30 à 200 personnes en quelques années.

L’ensemble des conférences peut être consulté sur Peertube : Journée de l’écoconception numérique. Attention, les vidéos ne sont ni sous-titrées ni transcrites a priori, bien que de la vélotypie ait été proposée le jour J.


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